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Z.A.C. Les Châtaigneraies - Jacob-Bellecombette (Savoie)

Z.A.C. Les Châtaigneraies - Jacob-Bellecombette (Savoie)

Cadre Jacob Bellecombette

 

Suite au diagnostic archéologique mené en fin d’année 2011 sur le site de la future Z.A.C. des Châtaigneraies sur la commune de Jacob-Bellecombette (73), une opération archéologique préventive s’est tenue du 11 mars au 19 avril 2013. Concernant une surface d’environ 14000 m2, cette fouille a été menée par une équipe de 6 archéologues de la société Arkemine s.a.r.l., opérateur agréé en archéologie préventive, et sous la direction scientifique de Simon Painsonneau.

Comme appréhendé lors du diagnostic, c’est une vaste zone d’extraction de pierres de meules à moulin qui a été mise au jour. Mais le site a aussi révélé l’existence d’une voie à ornières ainsi que de deux bâtiments.

Les vestiges de l’extraction des meules se présentent sous la forme d’alvéoles circulaires, empreintes en négatif dans la roche de la meule extraite. Souvent attenantes les unes aux autres, disposées en nid d’abeille, ces alvéoles forment alors des fosses ou carrières d’extraction qui peuvent atteindre de grandes dimensions. Sur le site de Jacob-Bellecombette, toutes périodes confondues, ce ne sont pas moins de 183 alvéoles d’extraction qui ont ainsi pu être observées.

Si la chronologie doit encore être affinée, l’extraction sur le site a débuté dès le Moyen Age (XIIIème ou XIVème siècle vraisemblablement) pour se poursuivre, non en continu mais par phases, jusqu’au tout début du XIXème siècle. Cependant, les modalités de l’extraction ont varié au cours des siècles. A l’époque médiévale, les meules extraites présentent des diamètres d’environ 1 mètre et l’exploitation se fait principalement par petites concessions d’une quinzaine d’alvéoles juxtaposées. Pour autant, les carriers n’ont pas négligé de tirer parfois une seule meule d’affleurements rocheux sains et facilement visibles. A l’époque moderne, les alvéoles sont de plus grandes tailles et certaines meules présentent un diamètre d’1,80 m. De plus, les fosses d’extraction peuvent regrouper, pour les plus grandes, jusqu’à une quarantaine d’alvéoles en contact et il est fréquent qu’au sein d’une même alvéole plusieurs meules superposées aient été extraites dans l’épaisseur du banc rocheux exploitable. Ces fosses se font alors imposantes, pouvant atteindre 30 m de long, 6 m de large et plus d’1,50 m de profondeur.

Dans les grandes lignes, les techniques d’extraction restent assez similaires. Une fois le diamètre de la meule définie, les carriers creusent une tranchée circulaire autour de la future meule et ce jusqu’à la profondeur correspondant à l’épaisseur souhaitée pour celle-ci. Ensuite ils pratiquent à intervalle régulier et tout autour de la base de la meule des encoches où sont mis en place des coins. Ces coins permettent alors de décoller la surface inférieure du bloc de pierre déjà détouré. Cependant, si l’on observe dans le détail les techniques employées sur le site des Châtaigneraies, celles-ci divergent en fait nettement selon les périodes concernées. Il en est ainsi de la largeur et de la forme des tranchées d’extraction, du nombre d’encoches réalisées à la base des meules mais aussi des outils utilisés. C’est tout particulièrement le cas quant à la nature des coins employés. Au Moyen-Age, ils sont en bois et, préalablement déshydratés, ils sont abondamment arrosés une fois mis en place afin de gonfler et d’exercer une importante pression à la base de la meule, ce qui permet son décollement. A l’époque moderne, ces coins sont métalliques et c’est la répétition de coups portés alternativement qui permet d’arracher la meule à la roche.

Le dégagement de blocs de pierre de cette taille est toujours une opération délicate et compliquée et ce quelque soit les techniques employées. D’autant que le calcaire de Jacob-Bellecombette s’avère une roche difficile à travailler car elle éclate facilement et il n’est pas rare qu’une ébauche soit abandonnée car impossible à extraire correctement. Le site offre plusieurs de ces exemples. Ainsi les carriers pratiquant leur métier à Jacob-Bellecombette sont des artisans qualifiés et compétents, possédant des connaissances techniques et un savoir-faire importants. Ces artisans ont notamment su intégrer et tirer profit des qualités et des défauts naturels de la roche pour parvenir à en extraire les meules.

La roche de Jacob-Bellecombette est un calcaire blanc à grain fin et, en dépit des difficultés inhérentes à son extraction, c’est précisément cette roche qui a été recherchée par les carriers de l’époque. En effet, à partir du milieu du Moyen-Age et en parallèle avec le développement des moulins hydrauliques et la culture du froment, va se répandre le goût pour le pain « blanc », plus raffiné que le pain « noir » consommé jusqu’à alors. Ce pain s’obtient notamment par l’élaboration d’une farine blanche, obtenue entre autre par l’emploi de meules en pierre blanche et qui produisent peu de grains lorsqu’elles tournent et s’usent.

Sur le versant Est du site et à proximité immédiate de zones d’extraction, a aussi été découvert un bâtiment. Il se compose de deux pièces ceintes de murs plus ou moins bien conservés et dont les sols on été taillés et aménagés directement dans le rocher. Il s’agit en fait de la maison dite « de la Grachat » qui apparait déjà sur la mappe sarde, un document de 1730. On sait par ailleurs qu’elle était en ruine en 1862, car elle apparaît comme telle lors du cadastre établi alors. Son étude a permis de montrer qu’elle était encore occupée au-moins en 1798, une pièce de monnaie frappée à cette date y ayant été retrouvée. La fouille de ce bâtiment a permis d’observer de nombreux aménagements tels qu’un escalier, des pierres de seuil et de portes ainsi que des rigoles et caniveaux permettant l’évacuation des eaux de ruissellement. Par ailleurs, de la vaisselle céramique ainsi que des bouteilles en verre soufflé y ont été découverts. Si sa fonction reste encore à définir précisément, les premières observations laissent penser qu’il s’agit là d’un lieu de vie (abri, cantine, habitation ?) en relation directe avec l’exploitation de la meulière à l’époque moderne.

Directement dans l’axe de l’entrée principale de ce bâtiment a été dégagée une voie sur environ 70 m de long. Celle-ci, qui semble rejoindre l’actuel chemin de la Tiquette, est installée postérieurement à une meulière d’époque médiévale largement arasée. Outre son usage pour l’accès à la maison « de la Grachat », elle a sans doute été utilisée dans le cadre de l’exploitation des meulières. En effet, elle présente des ornières, parfois nettement marquées, qui évoquent les traineaux en bois employés pour l’enlèvement et le transport des meules. Cette voie a aussi été recoupée par deux grandes fosses modernes d’extraction.

Au Nord du site, et tout au sommet du promontoire rocheux, a été mis au jour un second bâtiment, dont seul deux murs ont été conservés sur une cinquantaine de centimètres d’élévation maximum. Le mur principal, d’axe Nord-Sud, est de belle facture et se poursuit sur quasiment 14 m de long. Il possède un retour au Nord, d’axe Est-Ouest, uniquement conservé sur une longueur de 5,80 m. Il s’agirait donc d’un bâtiment comprenant au moins une pièce pour une superficie d’au minimum 80 m2. Il n’a livré pour le moment aucune information permettant de le dater ou d’envisager sa fonction. Cependant il n’est porté sur aucun document ou plan connu et pourrait donc être nettement antérieur à la mappe sarde de 1730.

Si la phase terrain de la fouille archéologique préventive est achevée, l’étude du site de la Z.A.C. des Châtaigneraies va se poursuivre avec le traitement des données enregistrées (observations, relevés, photographies, mesures…) mais aussi par des recherches documentaires et dans les archives. Par ailleurs des analyses seront menées pour qualifier la qualité de la roche, pour déterminer la constitution des mortiers employés dans les bâtiments ou encore envisager la datation de certains vestiges grâce au radiocarbone. Toutes ces données permettront de définir précisément les techniques utilisées, de déterminer la fonction des bâtiments, de préciser la chronologie, d’affiner la réflexion ainsi que l’interprétation des vestiges. Enfin, par la comparaison avec d’autres sites connus, ces travaux offriront de nouvelles et précieuses informations sur les meulières anciennes et le travail des artisans carriers, une activité encore largement méconnue, ainsi que, plus généralement, sur l’Histoire de la commune de Jacob-Bellecombette.

Date

31 juillet 2015

Categories

Archéologie préventive

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